Collaboration ou Collabillusion?

Dans bien des organisations, on se dit « collaboratif ». On multiplie les réunions, on organise des remue-méninges et on parle d’intelligence collective. Pourtant, l’impact n’est pas toujours au rendez-vous.

Pourquoi? Parce que l’on confond parfois collaboration réelle et collaboration de façade. C’est ce qu’on appelle la collabillusion : l’impression de collaborer sans réellement travailler ensemble.

Dans cet article, je vous propose de démystifier cette notion et d’explorer les leviers concrets pour construire une culture de collaboration authentique.

La collabillusion : quand la forme remplace le fond

Vous avez peut-être déjà participé à un comité ou à un projet où tout semblait collaboratif sur papier. Vous et vos collègues étiez invités à des rencontres, des tableaux de Post-its étaient remplis, on parlait de co-création… mais au fond, les décisions importantes se prenaient ailleurs. Les discussions restaient superficielles. Et à la fin, on avait surtout l’impression d’avoir été consultés pour la forme.

Voilà ce qu’on appelle la collabillusion : une illusion de collaboration, où les apparences sont là sans que les conditions réelles de la collaboration soient réunies.

Collabillusion, n.f.

Mot-valise créé à partir de « collaboration » et « illusion ». Désigne une fausse collaboration, qui en a l’apparence, mais qui ne l’est pas en réalité.

Une collaboration de façade. Beaucoup d’efforts, peu d’impact.

La collabillusion peut se manifester de plusieurs façons :

Une consultation symbolique qui n’a aucune incidence réelle sur la décision finale.
Des rencontres où tout le monde est présent, mais où une minorité de voix s’exprime véritablement.
Une volonté de préserver l’harmonie à tout prix, ce qui empêche les équipes d’exprimer leurs désaccords, pourtant essentiels pour faire avancer la réflexion.
Une série de réunions où les échanges restent superficiels, les objectifs ne sont pas clairs et peu d’idées nouvelles arrivent à émerger.

Et souvent, ce n’est pas par mauvaise foi. C’est par méconnaissance des vrais ingrédients d’une collaboration authentique.

Le problème, c’est que cette dynamique crée rapidement de la désillusion. Les participant·es comprennent qu’ils·elles ne sont là que pour la forme. L’engagement s’effrite, la méfiance s’installe et la collaboration perd de son pouvoir transformateur.

Éviter la collabillusion, c’est oser regarder ce qu’on appelle une « vraie collaboration ». C’est aussi accepter qu’il faut parfois plus que des bonnes intentions : il faut un cadrage clair, le courage d’aller à contresens et une réelle volonté de faire place aux autres.

Collaboration authentique : à quoi ça ressemble?

Contrairement à la collabillusion, la collaboration authentique ne se mesure pas à la quantité de réunions ni au nombre de fois où on consulte les gens. Elle se caractérise par la qualité des échanges, le climat de confiance, la capacité à accueillir les divergences, à clarifier les rôles et à faire de la place à ce qui n’est pas encore su ou décidé.

Beaucoup de réunions, peu de décisions partagées
On consulte, mais on ne tient pas compte des idées
L'harmonie prime et le consensus est forcé
Les rôles sont flous, les attentes aussi
Peu de suivi, peu de transparence
On parle d'intelligence collective

Des objectifs clairs et partagés
On construit ensemble et on intègre les apports
Les tensions sont accueillies comme matière à création
Le cadre est explicite, les rôles sont clarifiés
L'information circule et les décisions sont visibles
On met l'intelligence collective en pratique avec courage et ouverture

Une vraie dynamique collaborative repose sur 6 leviers concrets

Des objectifs clairs

Les intentions de la rencontre sont nommées dès le départ. Pourquoi travaille-t-on ensemble? Qu’est-ce qui est à construire collectivement? Qu’est-ce qui ne l’est pas? Cette clarté évite les malentendus, les attentes irréalistes et les frustrations. Elle permet de rallier les énergies autour d’un but commun.

Une posture de co-responsabilité

Chaque personne, peu importe son rôle, est valorisée et considérée comme détentrice d’un morceau du casse-tête. Un espace est créé pour que tous puissent exprimer leurs idées et contribuer équitablement.

Lorsque le nombre de participant·es est élevé, utilisez le principe du « ensemble, seul » : intégrez des moments de réflexion individuelle où chacun·e peut déposer ses idées par écrit avant de se rassembler pour en discuter.

Pour en savoir plus sur le concept du « ensemble, seul », consultez l'article de blogue

→ 7 erreurs à éviter pour une réunion efficace

L'acceptation des tensions

Une vraie collaboration ne cherche pas l’harmonie à tout prix. Elle laisse de la place à la complexité humaine : les désaccords, les inconforts, les enthousiasmes et les résistances. Ces tensions ne sont pas des obstacles, mais des occasions d’aller plus loin. Elles permettent d’identifier les angles morts, de bonifier les idées existantes et d’oser remettre en question des idées préconçues.

La collaboration nécessite d’apprendre à tolérer l’inconfort temporaire, d’éviter les consensus forcés et d’accueillir le processus autant que le résultat.

Un cadre explicite

Une collaboration saine ne se fait pas « à l’instinct ». Elle gagne à s’appuyer sur un cadre clair : des règles du jeu connues, des rôles bien définis, un langage partagé et des temps balisés. Ce cadre sécurise et crée les conditions pour que chacun·e puisse contribuer à la discussion avec confiance.

Une intention de transformation

On ne collabore pas pour « consulter » ou « obtenir l’adhésion ». On collabore pour créer quelque chose et arriver à un résultat que l’on n’aurait pas pu faire seul·e. Cela demande de lâcher prise sur certaines idées, de s’ouvrir à l’imprévu et de considérer la diversité des perspectives comme une richesse à intégrer, pas une contrainte à gérer.

Une circulation fluide de l'information

Les décisions sont expliquées, documentées et rendues visibles pour que tous les membres du groupe soient au courant de l’avancement du projet, de ce qui a été pris en compte et de ce qu’il reste à décider. Cette transparence soutient la mobilisation et nourrit le sentiment d’avancer ensemble. C’est non négociable pour arriver à une réelle collaboration.

L’ingrédient clé d’une saine collaboration : la confiance

La collaboration repose avant tout sur un ingrédient invisible, mais fondamental : la confiance. Sans elle, difficile de partager librement ses idées, d’oser poser des questions, d’admettre une erreur ou de proposer un point de vue différent. Dans son modèle des 5 dysfonctions d’une équipe ^[1], Patrick Lencioni place l’absence de confiance à la base des obstacles à la collaboration. Lorsqu’il n’y a pas de confiance, chacun·e se protège. On évite les conversations franches. On garde pour soi les doutes ou les pistes d’amélioration. Et on avance en parallèle, sans vraiment se rejoindre.

La vraie collaboration, au contraire, commence lorsque les membres d’une équipe se sentent assez en sécurité pour faire preuve de vulnérabilité, sans peur d’être jugé ou sanctionné. C’est cette confiance-là qui libère l’intelligence collective : elle favorise les débats constructifs, la remise en question bienveillante et le courage d’amener des angles morts ou des idées non conventionnelles.

Comment bâtir la confiance au sein d’une équipe?

Faire preuve soi-même de vulnérabilité : en tant que gestionnaire, animateur·trice ou collègue, oser dire « je ne sais pas », « j’ai fait une erreur », ou « j’aimerais votre avis » ouvre la voie à des échanges plus authentiques.
Tenir ses engagements : la confiance se gagne dans les petits gestes. Un courriel de suivi, une réunion respectée, une promesse tenue créent un environnement prévisible et fiable.
Accueillir les idées sans jugement immédiat : offrir un espace où les idées peuvent être exprimées sans être tout de suite évaluées ou critiquées encourage la prise de risque intellectuelle.
Écouter pour comprendre, pas pour répondre : pratiquer une écoute active, où l’on cherche à comprendre le point de vue de l’autre avant d’y réagir, renforce la qualité du lien et la reconnaissance mutuelle.
Donner de la reconnaissance sincère : souligner les apports spécifiques de chacun·e, pas seulement les résultats visibles, mais aussi les efforts, les idées, la posture permet de nourrir le sentiment d’appartenance.
Clarifier les rôles et les attentes : la confiance ne repose pas que sur les relations humaines : elle a aussi besoin de clarté. Savoir qui fait quoi, à quel moment, avec quelle autonomie réduit les tensions inutiles.
Normaliser l’erreur comme apprentissage : montrer que l’erreur n’est pas un échec, mais une source de feedback, permet aux équipes de sortir de la peur de mal faire, et donc, de mieux innover ensemble.

La collaboration, ça s’apprend!

La collaboration n’est pas un réflexe naturel pour toutes les équipes. Elle demande des apprentissages sur la posture, les rôles et les conditions de réussite. Surtout, elle demande une vigilance continue pour éviter les glissements vers la collabillusion. C’est en outillant les membres d’une équipe et en se donnant du temps pour ajuster que l’on y parvient.

Vous aimeriez bâtir une culture de collaboration authentique? Dans le cadre de mes Design sprints et formations, j’aide les équipes à structurer leurs processus de collaboration pour mieux avancer ensemble.

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^{[1] Patrick LENCIONI, Optimisez votre équipe. Les cinq dysfonctions d’une équipe, 2015, éditions Un monde différent.}

Collaboration ou collabillusion? Découvrez les leviers d’une collaboration authentique

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